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l’Indice mondial du crime organisé

Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest

Numéro
11
Octobre
2024

En résumé

  1. L’IS Sahel: consolider le territoire et relancer les économies.

    Depuis 2023, la province du Sahel de l’État islamique (IS Sahel) a étendue et renforcé son influence dans la région de Ménaka, dans le nord-est du Mali. Après avoir éliminé les groupes armés non étatiques qui représentaient une menace, l’approche du groupe a évolué d’une violence de masse contre les civils à des efforts de construction d’un soutien communautaire, en facilitant notamment les activités économiques licites et illicites. Il est probable que l’IS Sahel poursuive cette approche, même si elle s’accompagne d’une violence ciblée contre des éléments perçus comme une menace pour sa domination locale. Si elle se maintient, cette stratégie naissante de conquête des « cœurs et des esprits » pourrait renforcer la résilience et la pérennité locales du groupe.

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  2. Les bandits redéfinissent leur stratégie d’enlèvements, dans le nord du Nigéria, des zones rurales vers les villes.

    Longtemps un fléau des zones rurales et reculées, les enlèvements par des bandits dans le nord-ouest et le centre-nord du Nigéria touchent de plus en plus les zones urbaines, comme l’indique une série d’incidents depuis le mois de mai. Les régions urbaines et péri-urbaines offrent aux bandits des opportunités plus importantes de gains financiers, car elles présentent un plus grand nombre de cibles, ainsi que de possibles passerelles vers d’autres activités illicites. L’augmentation des enlèvements dans les villes peut s’expliquer, en partie, par les opérations militaires qui ont déplacé les activités des bandits vers les zones rurales. Une stratégie efficace de lutte contre le banditisme doit inclure le suivi de la propagation du banditisme et la prévention du risque d’autres déplacements géographiques.

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  3. Une extorsion politique? Le blocus de Boni par le JNIM au Mali

    Le blocus de la ville de Boni, dans le centre du Mali, imposé par le Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) s’est intensifié depuis juin 2024, perturbant fortement l’économie locale et la mobilité des civils. Sous une pression accrue de l’armée, le JNIM s’est livré à des extorsions, des vols et des incendies criminels contre des conducteurs et véhicules qui tentaient de contourner le blocus. Ce comportement s’écarte de l’objectif habituel du JNIM, à savoir la construction d’un certain consentement populaire. Deux facteurs clés sont à l’œuvre. Le premier est le recours classique du JNIM à des mesures extrêmes, mais ciblées pour parvenir à des fins précises, en l’occurrence une rupture des relations entre la population de Boni et les forces étatiques. Le second est la nature du comportement du JNIM sur les routes. Les populations en transit sont toujours perçues comme une source de danger par le groupe, et elles resteront exposées à un risque plus important de violence et de criminalité que des populations statiques, du moins jusqu’à ce que le groupe ait une confiance absolue dans leur contrôle.

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  4. La fermeture de la frontière entre le Bénin et le Niger augmente les profits du trafic de migrants.

    Après un coup d’État militaire au Niger en juillet 2023, les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont fermé leurs frontières avec le pays. Cela a mis fin aux flux migratoires régionaux légaux du Bénin vers le Niger, à travers le fleuve Niger, et a entraîné une augmentation parallèle du trafic de migrants. En plus de renforcer les réseaux de trafic, la fermeture de la frontière a fortement affecté les moyens de subsistance des commerçants, une évolution de mauvais augure pour la sécurité, d’autant plus que les groupes extrémistes violents avaient déjà pris pied dans l’économie criminelle locale. Bien qu’il n’y ait aucun indice à ce stade d’une augmentation du recrutement extrémiste, plus la frontière reste fermée, plus le risque augmente.

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À propos de ce numéro

Le 11e numéro du bulletin de risque des économies illicites en Afrique de l’Ouest a pour objectif de souligner les conséquences des collisions entre les acteurs illicites, les États et les communautés sur lesquelles reposent les réseaux illicites.

L’un de ces acteurs illicites, la province du Sahel de l’État islamique (IS Sahel), a connu un revirement spectaculaire depuis la fin de l’année 2021. Après avoir été quasiment éradiqué en tant que groupe armé en 2021, l’IS Sahel contrôle désormais presque entièrement la région de Ménaka, dans le nord-est du Mali, en proie à une extrême brutalité. Si cela a permis de purger la région de résistants potentiels, cela a aussi entraîné l’assèchement des économies locales et remis en cause les capacités du groupe à lever des fonds pour ses opérations et à obtenir des provisions vitales. L’IS Sahel a depuis changé de tactique et cherche désormais à nouer des relations plus bienveillantes avec les civils. Une approche qui semble lui réussir et pourrait conduire à une augmentation de son pouvoir en tant que groupe.

Au Nigéria, il y a des signes d’un changement de géographie du banditisme. Une vague d’enlèvements dans des zones urbaines, apparemment perpétrés par les mêmes groupes de bandits qui ont déstabilisé de larges pans du nord-ouest du Nigéria, inquiète les résidents et les observateurs de la sécurité. Plusieurs facteurs peuvent être à l’œuvre, notamment les opérations militaires menées dans le territoire rural des bandits. Cependant, il peut également s’agir d’une conséquence de la surexploitation par les bandits de leurs zones d’origine, de nombreuses familles étant désormais incapables de payer les rançons alors qu’elles les ont déjà payées plusieurs fois auparavant. Dans le centre du Mali, Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM) a intensifié son blocus contre la ville de Boni, dans la région de Mopti, en réponse au déploiement des forces armées maliennes et de troupes russes dans une base à proximité. Craignant que les habitants de Boni ne collaborent avec les forces armées et ne compromettent leur emprise sur la région, le JNIM a eu recours à des comportements extrêmes, notamment en pillant et en volant les personnes qui tentaient d’entrer dans Boni. Cet article analyse également les raisons pour lesquelles les usagers de la route entrant dans la ville, mais aussi les usagers de la route plus largement au Sahel, demeurent systématiquement vulnérables à la prédation du JNIM.

La fermeture de la frontière du Niger avec le Bénin après le coup d’État de juillet 2023 a perturbé les routes migratoires habituelles et a conduit à une hausse importante du trafic de migrants à travers le fleuve Niger. Les traversées légales ayant été bloquées, la demande de services de contrebande a augmenté, ce qui a accru les profits des trafiquants et mis à rude épreuve les revenus locaux. Bien que le Bénin ait rouvert son côté de la frontière en février 2024, le Niger n’a pas suivi, entraînant ainsi une instabilité persistante et renforçant la résilience du commerce illicite. La réouverture de la frontière du côté nigérien pourrait être la clé pour rétablir la sécurité et la stabilité économique.

Ces cas illustrent comment les recherches menées par Global Initiative Against Transnational Organized Crime (l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale, GI-TOC) visent systématiquement à contextualiser l’étude des économies criminelles organisées, en apportant à la fois des informations approfondies sur le fonctionnement des marchés illicites à l’échelle locale et sur les facteurs externes qui les influencent.