Le Conseil présidentiel de transition peine à asseoir sa légitimité politique face à l’insécurité croissante.

La crise sécuritaire persistante en Haïti a entraîné des développements politiques sous la direction du Conseil présidentiel de transition (CPT), bien que ce dernier peine souvent à mettre en œuvre ses stratégies. Pour faire face à la détérioration de la situation sécuritaire et ouvrir la voie à d’éventuelles élections, le CPT a annoncé en janvier 2025 la création d’un conseil de guerre destiné à affecter des ressources substantielles à la lutte contre les groupes criminels et à l’amélioration de la sécurité publique.1 Le plan comprend l’allocation de fonds considérables à la Police nationale d’Haïti, mais les effets tardent à se faire sentir.

Le CPT était également chargé de mettre en place le Conseil électoral provisoire (CEP), l’organe responsable de l’organisation des élections présidentielles. Le fonctionnement effectif du CEP, composé de neuf membres, constitue une étape cruciale dans le rétablissement de la gouvernance démocratique en Haïti. Cet organe, mandaté par la Constitution, a pour principales fonctions l’inscription des électeurs, l’approbation des candidats, l’application des lois électorales et la certification des résultats des élections.

Le CPT a souligné la nécessité d’organiser des élections pour rétablir une gouvernance légitime, mais la dégradation de la situation sécuritaire en Haïti pourrait gravement nuire à la participation des électeurs et à la crédibilité des élections. Le président du CPT, qui était en poste jusqu’au 7 mars 2025, Leslie Voltaire, a déclaré que seuls huit des dix départements d’Haïti pourraient être en mesure d’organiser des élections en novembre 2025 ; les départements de l’Artibonite et de l’Ouest risquent de ne pas pouvoir participer en raison de l’insécurité qui y règne.2 En conséquence, on estime que jusqu’à 60 % des électeurs pourraient ne pas pouvoir voter.3 Cela représente un obstacle important à la tenue d’élections libres et équitables. Par ailleurs, des inquiétudes subsistent concernant la sécurité des candidats, des électeurs et du personnel électoral.

Les élections haïtiennes ont historiquement été entachées par des allégations de fraude, une faible participation des électeurs et des ingérences extérieures, ce qui se traduit par une méfiance profonde à l’égard du système politique. La violence politique et la corruption sapent également la légitimité du processus, les élections passées ayant été ternies par la répression des groupes d’opposition, le recours aux pots-de-vin et la falsification des votes.4 Les gangs contrôlant 85 % de Port-au-Prince, l’équité de toute élection est très discutable.

De plus, dans un tel climat de violence, les élections peuvent constituer un élément catalyseur plutôt qu’un moment d’apaisement. Tant que les conditions de sécurité ne sont pas rétablies – au moins a minima – et que les institutions haïtiennes chargées d’organiser et de superviser le bon déroulement des élections ne sont pas consolidées, il semble prématuré, voire dangereux, de souscrire à un calendrier qui pourrait rapidement devenir intenable.

Enfin, il semble essentiel, parallèlement aux procédures électorales normales, de travailler à l’élaboration d’une stratégie visant à éviter la participation directe ou indirecte des groupes armés aux élections. Que ce soit par des pressions, des menaces, l’extorsion ou des violences directes contre la population ou les candidats, il est probable que les gangs tentent d’influencer le calendrier démocratique. De plus, il n’est pas exclu que, à l’instar de ce qui a été largement attesté en Haïti, les groupes criminels s’allient avec des candidats et des partis concurrents, contribuant ainsi à la systématisation de la collusion politico-criminelle, ainsi qu’au risque de violence politique.

Notes

  1. Jean Junior Celestin, « À la guerre comme à la guerre », déclare le président du CPT, Le Nouvelliste, 3 janvier 2025 ; voir aussi Robenson Geffrard, Quels sont les plans du CPT pour le pays en 2025 ?, Le Nouvelliste, 7 janvier 2025. 

  2. Jacqueline Charles, Haiti leader says elections can be held this year even as gangs continue their rampage, Miami Herald, 30 janvier 2025. 

  3. Ibid. 

  4. Arnoux Descardes, How to Break the Cycle of Weak Elections in Haiti, U.S. Institute of Peace, 20 juin 2024 ; voir aussi Sam Biden, The Violent Influence of Armed Groups and Gangs in Haiti’s Fragile Democracy, Human Security Centre, 9 avril 2024.