l’Indice mondial du crime organisé
Observatoire de la violence et de la résilience en Haïti
En résumé
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La Mission multinationale d’appui à la sécurité et la Police nationale d’Haïti prises entre le marteau et l’enclume.
La Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya en Haïti se trouve dans une situation de plus en plus complexe, et même avec 1 000 effectifs déployés, elle est encore loin d’attendre les 2 500 prévus. Malgré quelques victoires, les gangs ont repris l’initiative. La coordination compliquée entre la MMAS et la Police nationale d’Haïti, les difficultés à se déployer rapidement et à contrôler le territoire, ainsi que la collecte inadéquate de renseignements compliquent d’autant plus la réponse à la gouvernance des gangs. Un soutien international accru est crucial, nécessitant des mesures permettant d’appuyer une stratégie de sécurité immédiate et des réformes institutionnelles de fond, afin d’empêcher qu’Haïti ne s’enfonce davantage dans le chaos.
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Le Conseil présidentiel de transition peine à asseoir sa légitimité politique face à l’insécurité croissante.
Entre janvier et mars, le Conseil présidentiel de transition d’Haïti est confronté à des défis importants en matière de légitimité politique, en particulier face à la détérioration des conditions de sécurité. De plus, le Conseil électoral provisoire, récemment formé, a été officiellement chargé d’organiser les élections présidentielles, prévues pour novembre 2025. Mais à l’heure actuelle, seuls huit des dix départements d’Haïti pourraient potentiellement organiser des élections, ce qui exclurait jusqu’à 60 % des électeurs éligibles en raison du contrôle des gangs sur les départements de l’Artibonite et de l’Ouest. Compte tenu de l’emprise des gangs sur Port-au-Prince, la possibilité d’élections libres et équitables reste très incertaine.
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Violence des gangs en Haïti : le premier anniversaire de Viv Ansanm.
La crise sécuritaire en Haïti s’est aggravée entre décembre 2024 et février 2025, les gangs ayant continué de se comporter toujours davantage comme des acteurs de gouvernance, menés par la coalition Viv Ansanm. Tout en réduisant les violences aveugles dans certaines régions pour établir un contrôle économique par l’extorsion, les gangs ont ailleurs intensifié leur expansion territoriale. Leurs récentes attaques contre Kenscoff, une commune montagneuse stratégique au-dessus de Port-au-Prince, représentent une évolution importante. En infiltrant ce quartier de la classe moyenne supérieure, ils cherchent à établir des bases plus proches de Pétion-Ville, le centre économique et politique de Port-au-Prince. Malgré les efforts de la Police nationale d’Haïti et de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, les gangs continuent de renforcer leur emprise, encerclant de fait la capitale et aggravant la crise humanitaire.
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Les gangs haïtiens sont-ils en passe d’être reconnus politiquement ?
La coalition de gangs Viv Ansanm contrôle désormais 85 % de Port-au-Prince et cherche une plus grande reconnaissance politique. En janvier, son chef a annoncé la transformation du groupe en parti politique et a proposé des changements structurels à la gouvernance du pays. Le Conseil présidentiel de transition d’Haïti s’est montré divisé sur la réponse à apporter ; certains membres ont envisagé de reconnaître la coalition, tandis que d’autres s’opposent fermement à toute alliance avec les gangs. Cette évolution confronte Haïti à un dilemme crucial : l’intégration politique pourrait inciter les gangs à cesser leurs activités, mais elle pourrait aussi formaliser des structures de pouvoir violentes. Pour aller de l’avant, des politiques institutionnelles transparentes de démobilisation des groupes criminels sont nécessaires, plutôt que des accords politiques informels.
À propos de ce bulletin de risque
Le troisième numéro du Bulletin de risque de la violence et de la résilience en Haïti analyse la violence persistante commise par les gangs dans le pays et le premier anniversaire de Vivre ensemble (Viv Ansanm, en créole haïtien), la coalition de gangs qui a transformé le paysage sécuritaire. Il examine l’évolution des tactiques des gangs, leur contrôle territorial en expansion et leurs ambitions politiques accrues dans le contexte plus large des crises institutionnelles, humanitaires et sécuritaires en Haïti. Enfin, il se penche sur les facteurs et les dynamiques qui ont entraîné une intensification de la violence et renforcé l’influence des groupes criminels et des économies illicites.
La gouvernance criminelle continue de gagner du terrain, sans que les autorités haïtiennes ou la communauté internationale ne puissent la contester. Ceci est particulièrement à travers le régime d’extorsion qui est imposé sur une large partie de la région métropolitaine de Port-au-Prince, mais aussi dans l’Artibonite. En outre, l’émergence de Viv Ansanm en tant que force unifiée au cours de l’année écoulée est particulièrement préoccupante sur le plan politique. Elle exerce de plus en plus de pression sur la transition haïtienne, créant de nouveaux dilemmes pour le gouvernement haïtien et les acteurs internationaux vis-à-vis de l’attitude à adopter face aux groupes criminels.
La persistance de la violence des gangs entre décembre 2024 et février 2025 a entraîné de graves conséquences pour la population, notamment des déplacements massifs, un effondrement de l’économie et une insécurité généralisée. Les forces de l’ordre nationales se sont avérées inefficaces dans la lutte contre les activités des gangs. Dans le même temps, les efforts internationaux, en particulier la Mission multinationale d’appui à la sécurité menée par le Kenya, restent limités par des faiblesses opérationnelles. Enlisées dans une impasse sécuritaire et stratégique, incapables de répondre au défi territorial et social posé par les gangs, les forces haïtiennes et internationales demeurent prises entre le marteau et l’enclume.
Enfin, depuis sa création en avril 2024, le Conseil présidentiel de transition d’Haïti a été confronté à des obstacles considérables dans la mise en œuvre de réformes réelles en matière de sécurité et de gouvernance. Cela a installé Haïti dans un état de paralysie politique et stratégique, qui a perduré durant les deux premiers mois de 2024. Cela a des implications déterminantes pour la gouvernance future (y compris la possibilité d’organiser des élections en novembre 2025), la coopération internationale et les efforts plus larges pour restaurer la stabilité, la justice et l’ordre public.
La complexité de la crise, qui s’aggrave en Haïti, souligne le besoin urgent d’une réponse coordonnée et multidimensionnelle afin de s’attaquer aux causes profondes et aux symptômes du conflit que traverse le pays.