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Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest

Numéro
9
Novembre
2023

En résumé

  1. Le groupe rebelle 3R de la République centrafricaine perd des territoires ainsi que le contrôle de l’économie illicite du bétail, ce qui nuit à sa légitimité et offre la possibilité à l’État d’intervenir davantage.

    Le groupe rebelle 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation) s’est fait connaître en 2015 en assurant la sécurité des éleveurs de bétail peuls dans l’ouest de la République centrafricaine en échange d’une levée illégale d’impôts. Après la mort de son leader Bi Sidi Souleymane – connu sous le nom de Sidiki Abbas – en 2021, le 3R a perdu un important contrôle territorial au profit des forces gouvernementales. En conséquence, le groupe a subi une perte de revenus provenant de la taxation du marché du bétail et, en désespoir de cause, a adopté des tactiques criminelles plus prédatrices et opportunistes. Cette exacerbation de la violence a entraîné une perte de légitimité du 3R, offrant peut-être à l’État l’occasion de reconstruire le contrat social avec les communautés locales en leur proposant une meilleure alternative de gouvernance.

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  2. L’après Prigojine : la poursuite de l’engagement mercenaire, militaire et criminel de la Russie en Afrique.

    Après la mort du chef de guerre russe Evgeni Prigojine et de plusieurs de ses plus proches lieutenants en août, de nombreux observateurs internationaux se sont interrogés sur le sort du groupe Wagner et des activités économiques, militaires et criminelles menées par Prigojine en Afrique. Pourtant, si Wagner est une organisation unique, ce n’est pas le seul groupe de mercenaires ou acteur russe en « zone grise » à s’intéresser à l’Afrique, comme le montrent les récentes incursions de l’ancien trafiquant d’armes Viktor Bout dans la politique et le monde des affaires. D’autres sociétés militaires privées russes semblent également vouloir s’implanter en Afrique. Ces acteurs et mandataires privés, souvent liés entre eux, peuvent être considérés comme faisant partie d’un complexe militaro-affairiste plus large à travers lequel la Russie cherche à influencer les événements à l’étranger.

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  3. Les réseaux intercontinentaux de trafic de drogue opérant via l’Afrique de l’Ouest ont commencé à échanger directement du haschisch contre de la cocaïne.

    Depuis au moins 2020, une nouvelle dynamique a émergé dans les flux de drogue intercontinentaux. Les réseaux criminels échangent directement du haschisch produit au Maroc contre de la cocaïne provenant du Brésil. Le même navire transporte souvent de la cocaïne dans un sens et du haschisch dans l’autre. De nombreux navires transitent par l’Afrique de l’Ouest, où ils déposent des cargaisons qu’ils récupèrent plus tard. Cette nouvelle tendance visant à troquer le haschisch contre de la cocaïne pourrait accroître la capacité des réseaux de trafic maritime à faire transiter de plus grandes quantités de cocaïne par l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.

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  4. Le coup d’État du Niger a entraîné l’arrêt de la coopération transfrontalière entre les services répressifs contre le banditisme armé dans le nord-ouest du Nigeria.

    Après le coup d’État qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu du Niger, le 27 juillet 2023, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a mis en œuvre des sanctions contre le Niger et a ordonné à ses membres de fermer leurs frontières avec le pays. Pour le Nigeria, qui partage une frontière de plus de 1 600 kilomètres avec le Niger, les mesures ont entraîné l’effondrement d’une collaboration transfrontalière en matière de sécurité contre les bandits armés opérant dans les zones frontalières du nord-ouest du Nigeria. Les forces de sécurité du Nigeria ont constaté une recrudescence des actes de banditisme dans les zones frontalières, qu’elles corrèlent à une augmentation correspondante de la contrebande de munitions dans le pays. La réduction de la coopération transfrontalière a eu des répercussions négatives sur la sécurité, tandis que les fermetures de frontières ont eu des conséquences humanitaires et économiques importantes pour les communautés frontalières.

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À propos de ce numéro

Ce neuvième numéro du Bulletin de risque des économies illicites en Afrique de l’Ouest vise à montrer que la dynamique de la criminalité organisée en Afrique de l’Ouest est liée à des tendances politiques et économiques plus larges, aussi bien au niveau régional que mondial. Nos recherches effectuées sur les réseaux de trafic de cocaïne opérant via la côte ouest-africaine, par exemple, ont révélé une nouvelle tendance à l’échange direct de haschisch contre de la cocaïne par l’intermédiaire de ces réseaux. Cette tendance, qui s’explique par des conditions économiques favorables dans le commerce mondialisé des drogues illicites, a des conséquences importantes pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, où les réseaux de trafic de drogue traversent certains des pays les plus instables de la région sur le plan politique. Les particularités des marchés illicites et de la corruption au niveau local sont liées à ces forces du marché mondial.

De même, le groupe russe Wagner a fait des vagues dans toute l’Afrique, même après la mort de son dirigeant, Evgeni Prigojine. Les opérations du groupe de mercenaires, notamment les violations généralisées des droits de l’homme et l’implication dans le secteur des minerais qui ont conduit les États-Unis à désigner le groupe comme une « organisation criminelle transnationale », ont un impact sur la sécurité régionale en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Des forces géopolitiques sont à l’œuvre ici : le rôle du groupe Wagner en Afrique s’insère dans la contestation géopolitique plus large entre la Russie et l’Occident dans le cadre de la guerre en Ukraine.

L’une des crises qui a frappé la région ces derniers mois est la conséquence du coup d’État militaire survenu au Niger le 27 juillet. En réponse, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a imposé des sanctions au Niger et a ordonné à ses membres de fermer leurs frontières avec le pays, et la région reste dans l’impasse. Cette rupture de la communication régionale a eu de nombreuses conséquences, notamment la rupture de la coopération transfrontalière entre les services répressifs du Nigeria et ceux du Niger en matière d’application de la loi. Cette situation a entraîné une recrudescence des actes de banditisme dans les zones frontalières. Dans ce cas, la dynamique politique régionale a eu un effet mesurable sur l’activité criminelle organisée.

Ces histoires illustrent la manière dont les recherches de la GI-TOC visent toujours à fournir un contexte quand il s’agit d’analyser la criminalité organisée, en combinant des détails granulaires sur la manière dont les économies illicites fonctionnent sur le terrain avec les facteurs régionaux et mondiaux plus larges qui les façonnent.