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Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest

Numéro
7
Avril
2023

En résumé

  1. La diminution des tensions entre les groupes signataires de l’accord de paix au Mali pourrait favoriser les flux de trafic.

    Les événements récents laissent présumer que l’accord de paix d’Alger de 2015, conclu entre le gouvernement malien, la Plateforme des Mouvements du 14 Juin 2014 d’Alger et la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), pourrait être très bientôt rompu. À noter toutefois que si les tensions entre le gouvernement militaire de Bamako et la CMA arrivent à un point de rupture, les groupes armés signataires de l’accord, qui s’affrontaient jusque-là, se sont rapprochés. Intérêts sécuritaires, politiques et criminels étant étroitement imbriqués dans le nord du Mali, toute évolution du paysage politique est susceptible d’influer sur les économies illicites. Bien qu’il soit trop tôt pour déterminer dans quelle mesure l’évolution du paysage sécuritaire affectera les économies illicites dans le nord du Mali, une première analyse suggère que la baisse des hostilités entre les groupes signataires pourrait favoriser les flux de trafic.

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  2. Le trafic de motos est essentiel à la mobilité des groupes armés dans le Sahel.

    Le trafic de motos est essentiel à la mobilité des groupes armés dans le Sahel. Interdire la circulation à moto est une stratégie fréquemment utilisée par les États du Sahel pour tenter d’inhiber l’activité des groupes armés, qui ont largement recours à ce moyen de transport. Si les mouvements des groupes armés sont, jusqu’à un certain point, limités par ces mesures, les dommages collatéraux causés aux communautés et à leur capacité à gagner leur vie sont considérables. Du fait de leur importance dans la vie des Sahéliens, les motos figurent au nombre des produits qui font le plus l’objet de trafics illicites au Sahel tout en entrant dans une catégorie de trafic parmi les moins étudiées en Afrique de l’Ouest. Nous nous intéresserons au trafic de motos au Sahel, soulignant le rôle central qu’il joue dans la dotation en ressources des groupes armés et mettant en évidence la nécessité d’adopter des approches alternatives visant à réduire l’approvisionnement des groupes armés en motos tout en limitant les dommages subis par les communautés.

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  3. Le racket organisé par l’ISWAP dans le nord du Cameroun fait l’objet d’un rejet croissant par les communautés.

    Depuis qu’il s’est imposé comme la faction dominante du groupe jadis connu sous le nom de Boko Haram, l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) veille généralement à ne pas recourir aux niveaux de violence contre les civils tels que ceux franchis par l’autre faction de Boko Haram, Jama’tu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad. Toutefois, la violence dont l’ISWAP fait preuve à l’encontre des civils pourrait être liée à une résistance croissante au versement de « taxes » que le groupe impose aux communautés qu’il cherche à contrôler. En 2022, les réponses militaires à l’ISWAP ont renforcé le besoin de ressources supplémentaires du groupe, que ce dernier a cherché à se procurer en augmentant ses taux d’imposition sur les communautés. Le système de taxation imposé par l’ISWAP étant passé de l’arrangement amiable à un système à la limite de l’extorsion de fonds, les habitants de la région du lac Tchad au Cameroun sont de plus en plus réticents à y adhérer, ce qui fait craindre un ciblage croissant des civils dans la région. Toute érosion de la légitimité de l’ISWAP pourrait conduire à la démystification de son emprise sur les économies criminelles locales et sa position en tant qu’instance alternative de gouvernance.

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