l’Indice mondial du crime organisé
Observatoire des économies illicites en Afrique de l’Ouest
En résumé
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Le plus grand terrain aurifère du Tchad, Kouri Bougoudi, est essentiel pour les efforts de stabilisation de la région.
Le terrain aurifère de Kouri Bougoudi se trouve au cœur d’une région instable à la frontière avec la Libye et largement hors d’atteinte des autorités nationales. Bien que la zone abrite depuis longtemps des groupes d’opposition et criminels, ce terrain aurifère est devenu l’un des sites clés des activités illicites dans la région, notamment la contrebande et le trafic d’armes, de drogues, de carburant, de denrées alimentaires de base et de migrants, en plus de l’or. Tandis que le Tchad entre dans une nouvelle période d’incertitude politique après le décès du président Idriss Déby en poste durant de longues années, les tentatives de stabilisation régionale devront tenir compte de ces économies criminelles et des intérêts de la communauté locale dans le secteur de l’extraction aurifère.
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Avec le renforcement de la mainmise d’un groupe armé non étatique sur les ressources dans l’ouest de la République centrafricaine (RCA), une intensification des violences est à craindre.
En RCA, le groupe rebelle nommé « Retour, réclamation et réhabilitation », ou « 3R », est passé du statut de milice d’auto-défense formée pour protéger les éleveurs de bétail Peuls à celui d’organisation criminelle prédatrice ayant d’importants intérêts criminels. Bien que la taxation du commerce du bétail soit essentielle au financement du 3R, le passage plus récent du groupe à la taxation de l’extraction artisanale de l’or marque une diversification de ses flux de revenus. Elle pourrait aussi être le signe d’un intérêt croissant pour les revenus issus des marchés illicites, conformément aux priorités énoncées par le « Général Bobbo », qui a pris la tête du groupe rebelle en mars 2021.
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La diffusion des techniques d’extraction à base de cyanure modifie les dynamiques criminelles dans les mines d’or au Burkina Faso et au Mali.
L’adoption croissante des techniques d’extraction au cyanure modifie l’extraction minière artisanale et à petite échelle d’or (ASGM) au Burkina Faso et au Mali. Le Burkina Faso est devenu une plaque tournante du trafic de cyanure, avec des vendeurs et des courtiers qui facilitent les ventes dans l’ensemble du pays, ainsi qu’au Mali. L’introduction coûteuse du cyanure dans les processus d’extraction de l’or, qui permet une extraction plus efficace, a modifié les dynamiques de pouvoir dans le secteur, en perturbant les économies locales et les hiérarchies sociales, et en créant des divisions sociales, que les groupes djihadistes présents dans la région ont exploités dans des contextes similaires.
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La région du Sud-Ouest du Burkina Faso risque de devenir une nouvelle zone d’insécurité.
Au Burkina Faso, les violences responsables de plus de 2 000 morts et de plus de 1,4 millions de déplacés internes depuis 2015 sont concentrées dans le nord et l’est du pays. Mais de nouvelles poches d’instabilité émergent dans d’autres régions, y compris dans la région Sud-Ouest, précédemment stable.1 Frontalier de la Côte d’Ivoire et du Ghana, zone où des groupes djihadistes ont fait des incursions ces dernières années, le Sud-Ouest est l’une des zones d’ASGM les plus prolifiques du pays. Face aux conflits entre les communautés locales et les mineurs qui se rendent dans la région à la recherche d’or, les autorités ont indiqué craindre que les sites d’ASGM ne deviennent des points de départ d’épisodes de violence.
À propos de ce numéro
L’extraction minière artisanale et à petite échelle d’or (ASGM) joue un rôle essentiel dans les dynamiques de stabilité en Afrique de l’Ouest. Elle est devenue une source toujours plus importante de revenus pour les acteurs des conflits dans la région, surtout depuis que la pandémie de Covid-19 a réduit les revenus que généraient beaucoup d’autres économies, notamment le trafic de cigarettes et de migrants.2 En revanche, les revenus des groupes armés du Sahel issus de l’extraction minière artisanale d’or et de la contrebande ont enregistré une tendance inverse et auraient augmenté tout au long de l’année 2020.3 Bien que l’assouplissement des restrictions aux frontières ait permis une résurgence de la contrebande de marchandises, l’importance des revenus issus de l’économie aurifère pour les acteurs des conflits dans la région n’a pas diminué.
Toutefois, la relation entre l’ASGM et l’instabilité est complexe : le secteur fournit également des moyens d’existence pour de nombreuses communautés où les alternatives sont rares, et cela peut avoir un effet stabilisateur dans des régions instables.
Reconnaissant le rôle complexe et essentiel de l’économie de l’or dans la stabilité au sein de la région, ce numéro du bulletin de risque des économies illicites en Afrique de l’Ouest examine les relations entre l’ASGM, les économies criminelles et la sécurité en République centrafricaine, dans le nord du Tchad, au Mali et au Burkina Faso.
Notes
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Insecurity in Southwestern Burkina Faso in the context of an expanding insurgency (L’insécurité dans le sud-ouest du Burkina Faso dans le contexte d’une insurrection en expansion), 17 janvier 2019, https://reliefweb.int/report/burkina-faso/insecurity-southwestern-burkina-faso-context-expanding-insurgency. ↩
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Par exemple, les chiffres de la migration interne, de l’immigration et de l’émigration au Niger auraient chuté de 48 % à 50 % par rapport aux chiffres de 2019. Voir RHIPTO, Centre norvégien pour les analyses mondiales, Impact of Covid-19 on conflict, crime and threat finance in the Trans-Sahara: Security implications (Impact de la Covid-19 sur le financement des conflits, du crime et des menaces dans le commerce transsaharien : implications pour la sécurité), 5 novembre 2020. ↩
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Ibid. ↩